Lutte contre l’illettrisme - Journées nationales du 8 au 13 septembre

« Ce que j’aimerais faire ? Lire des livres »

(DNA du 10 septembre 2015)

Du 8 au 13 septembre, à l’occasion de la deuxième édition des journées nationales d’Action contre l’illettrisme, plusieurs associations alsaciennes réalisent des initiatives de sensibilisation. Catherine nous raconte comment ses difficultés au quotidien s’amenuisent depuis qu’elle est soutenue par l’antenne bas-rhinoise de Savoirs pour réussir.

L’association Savoirs pour réussir donne des cours à des personnes illettrées. PHOTO DNA – Laurent Réa

Détecter les mots cachés dans une grille, puis les recopier. Depuis janvier dernier, Catherine (*) multiplie ce type d’exercice avec l’association Savoirs pour réussir, à Schiltigheim. Des exercices qui, petit à petit, lui permettent de mieux dompter le français. « J’ai des problèmes avec l’écriture et la lecture », résume simplement la jeune femme âgée de 25 ans.

Scolarisée dans l’enseignement spécialisé dès la fin de la maternelle, Catherine n’y a pas acquis toutes les compétences de base.

Des démarches administratives compliquées

Voila sept ans que la jeune femme travaille dans un Esat (Établissement et service d’aide par le travail) et quatre ans qu’elle réside dans son propre appartement. Lors de cette prise d’autonomie, la jeune femme s’est trouvée confrontée à un obstacle de taille, celui des démarches administratives.

« Catherine parvient à déchiffrer l’écrit mais elle a besoin de temps », explique Julia Didelot, chef de projet de l’association.

Pour réaliser des démarches auprès de la Caisse d’allocations familiales ou encore obtenir la couverture médicale universelle (CMU), Catherine a encore besoin de l’aide d’un service d’accompagnement à la vie sociale. Mais le travail accompli avec Savoirs pour réussir commence à payer. Ce n’est pas la jeune femme qui le note, mais son accompagnatrice : ces dernières semaines, Catherine a rédigé seule deux courriers administratifs.

Une gestion de budget autonome

Plus à l’aise avec les chiffres qu’avec les lettres, Catherine parvient à gérer seule son budget. Ce qui est loin d’être le cas de toutes les personnes confrontées à l’illettrisme. « La réponse à la question : “est-ce que je peux me permettre cette dépense ?” n’est pas toujours évidente, remarque Julia Didelot. Pour certains jeunes, il n’y a pas de différences entre 10,25 et 1 025. »

Catherine, qui concède quelques lacunes question tables de multiplication, effectue sans difficulté ses retraits bancaires. Pour apprendre à utiliser sa carte de crédit, la jeune femme a pu compter sur l’aide de sa belle-sœur qui lui a « montré comment faire ». De même avec les relevés de compte, qu’elle parvient à analyser seule.

Bien encadrée au travail

Dans sa vie professionnelle, Catherine ne rencontre pas non plus de réelles difficultés. En grande partie parce qu’elle travaille dans un Esat, qui s’adapte à sa situation d’illettrisme.

L’écrit s’immisce néanmoins dans l’activité d’agent d’entretien de la jeune femme qui a la charge de remplir des bons de commande. « Un moniteur nous a appris à le faire, explique-t-elle. Ce sont les mêmes mots, les mêmes produits qui reviennent. Une fois qu’on les a vus, qu’on les a écrits, ce n’est plus difficile. »

Si les opérations bancaires ou les bons de commande, de par leur caractère répétitif, ont rapidement été à la portée de Catherine, il n’en a pas été de même pour les fonctionnalités de son téléphone portable. « J’avais beaucoup de problèmes pour écrire des SMS », confie la jeune femme. Une difficulté qui avait des répercussions sur… son compte en banque, souligne-t-elle : « J’étais obligée de passer des appels, et ça coûte plus cher. »

L’envie de livres

Son argent, Catherine le dépenserait bien dans l’achat de livres. Pleine d’envie, elle cite le best-seller « Twilight » et les romans dérivés de la série « Plus belle vie ». Mais parce qu’elle a « peur de ne pas y arriver », la jeune femme n’a pas encore franchi le pas. « La base est là. C’est aussi un problème de confiance », souligne Julia Didelot.

Et l’accompagnatrice de féliciter avec enthousiasme Catherine : « Elle vient après le travail, elle est patiente. J’admire cette motivation. »

C’est pour réaliser une formation de maîtresse de maison que Catherine réalise tous ces efforts. Lorsqu’elle évoque ce projet, son visage s’illumine. Et on y lit une irrépressible volonté d’avancer.

* Le prénom a été modifié.

Jonathan KLUR